Elle pouvait déjà discerner le sable remontant lentement mais sûrement vers la surface. Les milliers de grains charriés par les vagues refluaient au gré du courant, alors que sa puissante nageoire propulsait la Marai plus près encore de la terre. Elle avait décidé de rester sous l'eau, cachée, protégée, à quelques mètres de la surface, mais bientôt elle n'aurait plus le choix. Serrant la perle dans sa main gauche contre sa poitrine, et brandissant son bâton devant elle pour éclairer son chemin, Nami progressait vers la baie.

Il faisait encore nuit noire, l'aube ne se révélerait pas avant encore quelques heures. Au-dessus de la mer, le vent faisait rage, et déchaînait les vagues. Un bateau expérimenté aurait eu du mal à naviguer sur de telles eaux. Mais pas les Marai. Faisant fi du climat, ils se servaient des courants et de leur nageoire pour nager où bon leur semblait.

Bien que leur clan ne vive pas en eaux profondes, le village de l'Aquamancienne s'était installé assez loin de la côte après diverses querelles avec les bipèdes. Bien qu'ils dussent travailler ensemble une fois chaque centenaire, les deux races préféraient tout de même vivre loin séparées, et le plus longtemps le mieux. Athilda, la plus ancienne Marai du village, avait longtemps raconté ces histoires pour faire peur aux jeunes Vastayas : il y a bien longtemps, les bipèdes chassaient et kidnappaient les Vastayas. Pour les vendre, pour les exposer, pour un faire des trophées. Les histoires sordides n'en finissaient plus, et les enfants impressionnés n'approchaient pas des côtes.

Nami déglutit, mais chassa au loin ces pensées. Ce n'étaient que des histoires. Et même si elles s'étaient révélées vraies, tout cela était bien plus vieux qu'elle. Les mœurs avaient changées, et Nami avait changée. Les Profondeurs l'avait marquée au fer rouge, et cette terrible épreuve, aussi formatrice qu'elle puisse être, avait persuadée la Marai d'une chose : le courage ne fait pas tout, mais il donne des ailes.
Et la peur.
Mais cela était moins glorieux.

Lorsqu'elle atteint enfin la plage, là où terre et mer se joignaient en une douce étreinte, Nami respira un grand coup l'air frais de la surface.  Elle y était enfin.
Mais aucune fanfare ne l'accueillit. Pas de trompettes, pas de cris ou d'applaudissements, rien qui ne reconnaisse toutes les péripéties de l'Aquamancienne. Elle pinça les lèvres, déçue, avant de commencer à paniquer.
Pourquoi donc n'y avait-il personne ? Les bipèdes avaient-ils failli à leur pacte ? Serrant fermement la perle dans son poing, Nami s'aventura plus près de la plage, scrutant les étendues de sable sombre. Elle y voyait bien dans l'obscurité, mais peut-être que les bipèdes, moins évolués, ne l'avait pas encore remarquée ?

- Bonjour ? dit-elle timidement d'abord, puis plus fortement, Bonjour !

Mais rien ne bougea. Peut-être était-il trop tôt. Peut-être avait-elle de l'avance. Ou pire. Du retard. La Marai frissonna. Et si le mois durant lequel son peuple avait attendu Rasho avait été trop long pour le pacte ? Trop effrayée pour vraiment réfléchir à cette solution, Nami s'installa simplement sur le banc de sable, les vagues la recouvrant périodiquement, comme pour la rappeler vers chez elle.

Mais sans pierre de lune, il n'y aurait bientôt plus de chez elle.
Elle patienta donc jusqu'à l'aurore.